Saint-Ouen : le CARA toujours là !

Saint-Ouen : le CARA toujours là !


Initiée par l’ancienne mairie Front de Gauche, l’opération immobilière visant à transformer le foyer jeunes travailleurs (appelé à Saint-Ouen le CARA) en hôtel privé se poursuit sous l’égide du nouvel édile estampillé divers droite, et pour le plus grand bénéfice du promoteur Vinci.
Débutée en janvier, sans aucune concertation ni information d’aucune sorte, la première vague d’expulsion fut rapidement stoppée grâce à la mobilisation des résidents et de leurs soutiens. Repoussée de quelques mois, la vaste opération visant à vider le CARA de ses quelques 110 habitants le fut une nouvelle fois en mars, à l’approche des élections. Elections remportées, à la surprise générale, par le candidat de la droite locale, lequel mit ainsi fin à près de 70 ans de règne sans partage du Parti Communiste, puis du Front de Gauche à Saint-Ouen. Ce qui par contre fut tout sauf une surprise, a été de constater que la nouvelle équipe poursuivait dans la voie initiée par la précédente : trois demandes officielles de rencontre avec le maire restèrent ainsi sans réponse, jusqu’à ce qu’une poignée de résidents du CARA, accompagnés de leurs soutiens, s’invitent au conseil municipal du 23 juin dernier, et fasse assez de bruits pour amener m’sieur le maire à accepter de recevoir une délégation, dès le lendemain. Cet entretien fut, comme prévu, laudatif, pontifiant, la seule certitude étant que le contrat de vente entre Vinci et l’association municipale gestionnaire du foyer était bel et bien signé, prévoyant la livraison du bâtiment, vidé de ces occupants, pour le 31 juillet. L’objectif, à peine voilé, du nouveau maire étant d’endormir la méfiance des résidents, il leur fut promis une tentative de « sauvetage » de l’association en question, permettant d’éventuelles renégociations pour ce qui est de la vente à Vinci. Sur l’air connu du « on va voir ce qu’on peut faire » fut également réactivée la fameuse « cellule de crise », programme d’enfumage mis en place dès janvier et auquel les résidents ne furent même pas associés. Depuis la rencontre de juin, le statu quo règne à nouveau, et l’avenir se charge plus que jamais de menaces pour les habitants du CARA, tout comme le personnel en charge du foyer, menacé, lui, de licenciement. Le directeur, pour sa part, s’est mis aux abonnés absents depuis que la mairie lui a trouvé une nouvelle planque, en qualité de directeur d’une maison de quartier. Le foyer, lui, se délabre à vue d’œil, au point qu’un décret d’insalubrité (ce cheval de Troie au service des expulseurs) pourrait bien, d’ici peu, surgir du chapeau magique d’une municipalité qui méprise ces jeunes travailleurs, comme elle méprisa les 800 Rroms, enfants compris, jetés à la rue cet hiver. Au CARA même, les gens s’épuisent, rongés par l’inquiétude. Des dissensions menacent le Collectif des Résidents, qui a de plus en plus de mal à motiver celles et ceux qui, devant l’absence de résultats tangibles et la date fatidique approchant à grands pas, ont tendance à opter pour des solutions individuelles. Difficile d’expliquer à un jeune sans papiers, travaillant par exemple au noir et menacé d’expulsion que seule une lutte collective, organisée, âpre et s’inscrivant dans le long terme peut déboucher non sur une nouvelle précarité, mais à un dénouement si ce n’est heureux, du moins acceptable.
Ces résidents, dont la situation faite d’extrême insécurité et de criante pauvreté est tout simplement niée par les autorités locales, ne demandent pas leur maintien dans l’immeuble, à présent vétuste. Ce qu’ils veulent, et qu’ils sont en droit d’exiger, c’est une solution de relogement viable sur le long terme. La mairie leur oppose quelques milliers de dossiers en souffrance concernant des demandes de logements sociaux, sans même relever qu’entre une expulsion programmée pour dans cinq semaines et les demandes en question, la différence est de taille. Selon la désormais célèbre stratégie visant à opposer les pauvres aux plus pauvres, la mairie tente de s’attirer les grâces et, éventuellement, le soutien du citoyen lambda en attente d’un appartement, souvent depuis des années. C’est faire le pari de l’égoïsme, de l’individualisme contre la solidarité. Un pari que le maire lui-même admet qu’il puisse être perdu : lors de la rencontre de juin, il déclarait aux résidents ne pas vouloir « d’une manifestation de 120 personnes devant le CARA, le jour de l’expulsion ». Avouant ainsi, à demi-mot, sa crainte de devoir supporter une bien mauvaise publicité en début de mandat, il admettait dès lors qu’une mobilisation collective, spontanée, était plus que probable. Bien entendu nous lui prouverons qu’il commet une grave erreur, en avançant le chiffre de 120 : en cas d’expulsion nous serons le triple, à minima ! Par ailleurs, et tandis que le maire s’inquiète d’une éventuelle vaguelette médiatique, des résidents parmi les plus alertes et conscients de ce qui se trame se prépare, eux, à l’occupation du CARA. Qu’ils soient assurés de notre pleine et entière, et active solidarité.

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