DE L’ARGENT POUR LE SOCIAL,
PAS POUR UNE VILLE CARCERALE !
« Un peuple prêt à
sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni
l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux."
Benjamin Franklin
Dans le « Journal
de Saint-Ouen » daté de février 2015, la municipalité démontre, sur 5
pages, tout l’intérêt qu’elle porte à notre sécurité. On ne peut que l’en
féliciter, tant cette question est devenue centrale, tant sur le plan local que
national : sécurité, quand il s’agit de garder son emploi, d’être en mesure de boucler le mois, sécurité
aussi en matière de logement,
d’accès aux aides minimales, d’accès aux soins, à un service public de qualité qui ne serait plus bradé au secteur privé.
Sécurité, encore, en matière d’éducation, de vie culturelle, de solidarité et
d’entraide… Nous sommes donc heureux, monsieur le maire, de voir que
« notre tranquillité » est devenue « votre objectif » et
celui de votre équipe car, vous l’aurez compris : nous ne serons « tranquilles » que lorsque vous serez parvenu
à assurer notre sécurité économique, sociale, par une écoute réelle des
habitants de Saint-Ouen et par la prise en compte de leurs préoccupations
essentielles.
Sur ces points, la population sait que nous sommes loin du
compte, car la sécurité que vous prétendez nous assurer se cantonne au domaine
policier, chasse aux dealers, aux sans-abris, aux démunis : chasse à la délinquance,
masquant mal la chasse aux pauvres, véritable
safari que vous menez sur la ville, depuis votre élection. Après la photo de première
page laissant penser que les parties communes des cités audoniennes ressemblent
aux coursives de prisons sillonnées sans relâche par des gardiens (sur la photo,
par des policiers armés d’un flashball !), le dossier consacré à cette
très particulière sécurité se résume à l’inventaire des mesures municipales à
venir. Elles vont toutes dans le sens d’un contrôle permanent d’une population que les élus de la majorité doivent
trouver « dangereuse », vers une répression toujours plus accrue,
une présence policière de tous les instants et de tous les lieux: développement
délirant de la vidéosurveillance (en attendant les drones ?), doublement
des effectifs de la police municipale, « maillage des quartiers »… A
la fin de votre éditorial, enfin vous évoquez l’aspect préventif du projet,
mais très brièvement et sans engagements concrets, sans garantie aucune quant à
sa mise en œuvre. Un oubli ? Ce que, nous, nous n’oublierons pas, c’est la
fin des emplois de proximité sociale, l’écrémage sordide des postes
d’animateurs, de médiateurs, la baisse drastique des subventions auparavant
versées aux associations de quartier, garantes du lien social.
UN CHOIX DE SOCIETE
Par ce « numéro spécial » du journal de
Saint-Ouen-les-Flots, Delannoy entend avant tout préciser à quel choix de
société se rallie son panache violet, quel projet ultra-sécuritaire il entend
bien défendre, au mépris des libertés
fondamentales. Il s’agit, pour lui et sa clique, de donner des gages à son
électorat tout en rassurant les « néo-arrivants » des Docks, et les
investisseurs potentiels : Saint-Ouen, ville « tranquille »,
ville calme mais sans vie, vaste dortoir dédié aux activités commerciales, soumis
au quadrillage des forces de police pour lesquelles, à n’en pas douter, le
simple fait de coller sur les mûrs le texte que vous êtes en train de lire s’apparentera
bientôt à un acte de terrorisme.
Choix de société,
oui, transformant notre ville en laboratoire des idées nauséabondes, rejet des
catégories les plus pauvres, stigmatisation de l’Etranger responsable de toutes
nos difficultés, racisme d’Etat,… Pour ne citer qu’un exemple, rappelons que
l’installation sur le territoire de la commune d’une forêt de caméras dédiées à
notre surveillance, loin d’être neutre, entre dans le champ des technologies de
contrôle des populations au même
titre que le fichage informatique de grande ampleur, et représente comme lui une menace
concrète pour les libertés individuelles. Quand bien même son efficacité
serait prouvée (ce qui est loin d’être le cas), la présence de ces caméras est
en soi une atteinte à nos libertés de penser, de nous mouvoir, nous rencontrer,
en toute intimité et sans que ces déplacements soient suivis, contrôlés, enregistrés
par des fonctionnaires de police. Au final, les mesures proposées par Delannoy
et ses amis auraient fait, à n’en pas douter, les beaux jours de Vichy et de
son régime.
UNE OPERATION DE
COMMUNICATION QUI VA NOUS COUTER CHER
Ces considérations essentielles ne doivent pas occulter l’aspect économique du projet de
sécurité défendu par la mairie. De multiples expériences, menées dans d’autres
communes (dont celles dirigées par le Front National), prouvent que les coûts
sont énormes, et les résultats limités, si ce n’est sur le plan électoral. A
Saint-Ouen comme ailleurs, il s’agit donc, pour l’essentiel, d’une vaste opération de communication, dont les habitants seront appelés à régler
la facture. Elle sera conséquente, quand on sait que le coût, à l’achat,
d’une seule caméra de vidéosurveillance avoisine les 20 000 euros
(source : « la Gazette des
communes »). Il suffit de multiplier par quarante ou cinquante ce
chiffre, d’y ajouter celui de la maintenance et des frais afférents (il faudra
bien payer les policiers qui bailleront devant des écrans sur lesquels, la
plupart du temps, il ne se passera rien)
pour estimer, même en l’absence de réel chiffrage, que la seule vidéosurveillance coutera au contribuable local une somme considérable
(et nous n’en sommes qu’au début, puisque la majorité municipale promet
d’étendre le programme). Ajoutons à cela
les dépenses liées au doublement des effectifs de la police municipale, celles
que ne manqueront pas de susciter les sempiternelles études et autres audit à
prix d’or, on conviendra qu’il est alors urgent, vital, de poser la question qui fâche : une ville endettée, ruinée telle que nous la décrit le maire,
peut-elle raisonnablement s’offrir le luxe d’un système qui en matière de
délinquance, a largement prouvé son inefficacité ? Rappelons que si les
caméras coûtent cher, on trouve
d’excellentes cagoules à de très petits
prix.
UN
PROJET BRUTAL, ANTISOCIAL, PEU FIABLE EN MATIÈRE DE FINANCES PUBLIQUES
Ce projet d’extension du tout-sécuritaire (nous n’oublions
pas, au passage, qu’il fut initié par l’ancienne majorité emmenée par
Jacqueline Rouillon : une erreur de plus !), cette volonté de quadrillage
policier d’une ville qui est tout, sauf une prison, non seulement est
inacceptable sur le plan politique, mais représente un risque financier
totalement démesurée pour une commune qui doit faire face à des enjeux d’une
tout autre importance.
D’ici peu seront commémorés les dix ans des émeutes de 2005.
Ce n’est pas en recrutant et en armant des policiers que nous serons en mesure
d’éviter de nouveaux affrontements.
CONTRE LE TOUT-SECURITAIRE,
CONTRE LE SILENCE DES PANTOUFLES : POUR LA SOLIDARITÉ, L’ÉCOUTE ET LE
PARTAGE !